La Démocratie chrétienne a incarné l'aile gauche du PSC. En 1945, au moment de la création du PSC, au sein du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) on doutait fortement de l’opportunité de lier politiquement le mouvement au Parti Social Chrétien. Certains se prononçaient pour une dépolitisation complète du mouvement et ne souhaitaient entretenir de liens politiques avec quelque parti que ce fût. Une autre tendance représentée entre autres par Oscar Behogne et Henri Pauwels était favorable à la coopération avec le PSC. Ses partisans estimaient qu’une rupture avec l’action politique menée par le mouvement entre les deux guerres était inopportune et irréaliste. Un troisième groupe mettait de grands espoirs en l’UDB, fondée peu après la Libération, qui tentait de supprimer les conflits politiques traditionnels de la Belgique grâce à ses principes non confessionnels et travaillistes. Les partisans de l’UDB ne croyaient pas en un changement des personnes et du programme du parti catholique qui, selon eux, ne pourrait jamais s’affranchir de son aile et de sa base conservatrice.
La direction du MOC, soucieuse en premier lieu de l’unité du mouvement, n’affichait officiellement de préférence ni pour le PSC, ni pour l’UDB. Son attitude neutre fut d’autant plus mise à l’épreuve qu’approchaient les premières élections d’après-guerre et que croissait la pression des dirigeants flamands pour qu’un point de vue clair fût adopté. La discussion connut son dénouement aux élections législatives du 17 février 1946. Le résultat décevant le l’UDB (2,2 % des voix et un seul élu) fournit aux partisans de la coopération avec le PSC un argument de poids. Plus par nécessité que par conviction et sous certaines conditions, les Wallons étaient prêts à suivre les Flamands dans leur comportement politique. L’une de ces conditions visait à inclure dans les statuts du mouvement que le mouvement ouvrier chrétien n’était pas un parti politique et n’était inféodé à aucun. Pour les Flamands, cette concession était une prise de position purement formelle, puisque, dans la pratique, le mouvement collaborerait de toute façon avec le PSC-CVP ; pour les Wallons, cette condition était un moyen de bénéficier d’une nécessaire liberté de mouvement et, le cas échéant, de revoir leur attitude politique au cas où le PSC ressemblerait au parti catholique d’avant-guerre. C’est dans cette même optique qu’il faut interpréter l’exigence des Wallons de voir le comité politique national non, comme le souhaitaient les Flamands, comme une "branche", mais comme un "service". Une organisation séparée pour la politique portait, en effet, en elle, les risques d’une action politique trop autonome et d’une dépendance politique trop forte.
La fragile confiance du mouvement ouvrier chrétien wallon envers le PSC fut rapidement ébranlée. La cause en fut le retard mis à la réalisation des réformes de structures économiques. La création des conseils d’entreprises et des conseils professionnels et l’instauration de la cogestion par la réforme de la société anonyme constituaient des points importants du programme de Noël. Au MOC, on s’intéressa plus que de coutume à la disposition du PSC à réaliser ces réformes. Les propositions élaborées par le premier gouvernement à participation sociale chrétienne (le gouvernement Spaak-Eyskens (1947-49)), à propos de l’organisation de l’économie, allaient moins loin que prévu. De plus, leur mise en application fut entravée. La réforme de la société anonyme ne se réalisa pas. Tout ceci n’était pas de nature à gagner les faveurs du MOC
La mise à l’écart du PSC ne se fit pas attendre. Les facteurs qui y contribuèrent étaient, d’une part, les mêmes que ceux qui ont prévalu en Flandre, (c’est-à-dire la question royale et la guerre scolaire qui renforçaient encore la position de l’aile conservatrice du PSC et l’opposition de cette aile au gouvernement travailliste Lefèvre-Spaak) et d’autre part, des facteurs typiquement wallons qui stimulèrent la discussion au sein du MOC. La direction du MOC ne resta pas insensible à la modification du climat politique en Wallonie. Lors d’un congrès en mai 1964, le secrétaire général, V. Michel, exprima sa désapprobation de la politique et des rapports internes du PSC. Tandis que, selon les services d’études du MOC, plus de la moitié des électeurs du PSC étaient des salariés et des appointés, le mouvement détenait au maximum un tiers des mandats du parti. L’avertissement adressé par V. Michel au PSC vint trop tard. Lors des élections communales de 1964, on assista à la formation de mouvements comme le Mouvement des travailleurs chrétiens à Charleroi et la Démocratie chrétienne liégoise qui déposèrent des listes séparées. Par la suite, des militants du MOC s’affilièrent de plus en plus nombreux aux partis régionaux qui ont vu le jour en Wallonie et à Bruxelles (entre autres, le Rassemblement wallon (RW) et le Front démocratique des Francophones (FDF). La tendance des militants et membres du MOC à créer leurs propres groupes politiques ou à militer dans d’autres partis que le PSC fut renforcée par la scission, en 1968, du parti en deux partis autonomes ; cette scission fit ressentir, plus que par le passé, la présence des conservateurs au PSC comme un frein à la réalisation d’une Wallonie progressiste.
Le pluralisme politique de fait fut officiellement reconnu par le MOC le 26 février 1972. Cependant, dans les mois qui précédèrent cette décision, la direction du MOC avait encore fait une tentative pour créer une Démocratie chrétienne pour la Wallonie (DCW). Le but était de mettre sur pied un nouveau "mouvement d’action politique et d’étude" qui coopérerait avec le PSC. Un projet de programme politique pour la DCW, rédigé par le Bureau national du MOC, fut soumis à des comités politiques créés pour l’occasion, auxquels fut posée la question de savoir si la DCW devait tenter de réaliser son programme en coopération exclusive avec le PSC ou également avec d’autres partis. Entretemps, la direction du MOC négocia avec le PSC la reconnaissance officielle de la DCW par le parti. Le MOC exigeait que la moitié des fonctions de direction et des mandats fût confiée à des personnalités de la DCW. Mais la création de celle-ci échoua, en partie à cause d’une opposition au sein même du MOC, en partie à cause de l’aile conservatrice du PSC. Cette aile rejeta l’exigence de parité tandis qu’au sein du mouvement ouvrier chrétien wallon, le syndicat, surtout, était opposé à la poursuite de la collaboration exclusive avec le PSC.
Après l’échec de la DCW, ce fut surtout le chef de file du mouvement ouvrier chrétien de Charleroi, Alfred Califice, qui travailla au regroupement des membres du MOC partisans des liens politiques avec le PSC. Le 29 mars 1972, une première étape fut franchie dans cette direction avec la fondation, sous l’impulsion de Alfred Califice, de la Démocratie chrétienne, arrondissement de Charleroi (DCC). Alfred Califice se fixa pour but d’étendre la DCC à toute la Wallonie afin de réaliser le programme politique du MOC au sein du PSC, dans lequel il fallait attribuer au groupe "une place équitable et une juste représentation à tous les niveaux".
En novembre 1973, la Démocratie chrétienne (de Wallonie, de Bruxelles et des cantons de l’Est) (DC) vit le jour. En son sein, fonctionnait un Comité politique dont faisaient partie les mandataires de la DC. La direction du MOC fut également mêlée aux activités du Comité. Trois représentants de la DC, ainsi qu’un membre du FDF et un membre du RW, participèrent à la Fondation politique du MOC, un bureau de contact politique, créé par le MOC en octobre 1977, dans le but de mieux coordonner, avec les militants des trois partis, la concertation sur la stratégie politique et l’action du mouvement.
Le pluralisme politique du MOC se posa en d’autres termes au début des années quatre-vingt à cause du recul électoral important du RW d’abord, du FDF ensuite. Le MOC n’avait pas d’autre interlocuteur que le PSC, situation qui fut l’occasion d’une nouvelle interrogation dans le mouvement ouvrier chrétien wallon au sujet de son expression politique. Les élections législatives de novembre 1981 accélérèrent cet examen. La lourde perte subie par le PSC à ces élections désavantagea surtout, selon le MOC, les candidats DC, tandis que les ouvriers chrétiens étaient restés fidèles au PSC. Selon le MOC ce processus a eu pour résultat que des mandataires de droite ont été élus par un corps électoral qu’il représente. La participation du PSC à la coalition de centre droit dirigée par W. Martens, issue des élections, renforçait cette position du mouvement ouvrier chrétien wallon. Pour le MOC, c’était là la preuve du virage à droite du PSC.
Quelques mois plus tard, en février 1982, le MOC décida la création, en son sein, d’un nouveau mouvement politique, basé sur l’adhésion individuelle, Solidarité et Participation. La direction du MOC insista sur le fait que le SEP n’était ni un parti politique, ni un mouvement social. L’un comme l’autre portait en lui le risque d’une forme d’action politique qui échapperait au contrôle du mouvement. Le MOC considérait bien plus le SEP comme une assemblée d’hommes intéressés à la politique qui examinerait de quelle façon le programme du mouvement pourrait être réalisé le plus efficacement.
Cette formule ne trouva pas d’appuis au sein du syndicat, des Équipes populaires et de Vie féminine. À la fin de 1983, le SEP devint un parti politique. Il est caractéristique que cette décision vînt du SEP lui-même et non du MOC. Lors de sa transformation, le SEP déclara s’appuyer sur le programme "options fondamentales" du MOC, viser à réaliser le pluralisme, le fédéralisme et le progressisme et, dans une première phase, tenter de rassembler les forces progressistes de Wallonie. La participation du SEP aux élections législatives de 1985 ne recueillit pas le succès escompté. Il obtint à peine 1,4 % des voix en Wallonie. Ce mauvais résultat fournit à ceux qui, au MOC, avaient vu d’un mauvais œil la création du SEP, de nouveaux arguments en faveur d’une réorientation de l’attitude politique du mouvement. Les mutualités plaidèrent notamment pour un retour à l’attitude initiale. D’autre part, malgré la fondation du SEP, la Démocratie chrétienne continua à se présenter comme l’expression du mouvement ouvrier chrétien wallon au sein du PSC jusqu'à sa disparition et la fondation du cdH en 2002, bien qu’il n’y eût plus aucun lien officiel avec le MOC.
Source : Smits, Jozef. « Les standen dans les partis sociaux-chrétiens », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1134-1135, no. 29, 1986, pp. 1-83.
Histoire des archives :
Ce fonds se compose d'archives collectées en trois lieux différents :
1) Le siège de l'ancien PSC, rue des deux églises à Bruxelles
2) Un des anciens siège de la Démocratie Chrétienne, rue Le Titien à Bruxelles
3) Le domicile de l'ancien député et sénateur Michel Barbeaux à Ciney
Portée et contenu :
Ce fonds se compose de documents s’étalant sur une période allant de 1957 à 1997.
Ce fonds relatif à la Démocratie Chrétienne offre un bon aperçu de l’activité multiforme de ce mouvement incarnant l'aile gauche du Parti Social Chrétien. Ainsi, la personne désirant consulter le fonds peut avoir accès aux archives relatives aux diverses instances directoriales (bureau exécutif, comité politique, équipe Europe...) et assemblées de travail la DC (Assemblées générales et Conseils permanents) ainsi qu'à des documents mettant en lumière la doctrine de la Démocratie Chrétienne (notes idéologiques, manifestes et statuts...). Par ailleurs, des documents relatifs à la communication de la DC ainsi qu'à certaines de ses ailes provinciales sont également accessibles. Enfin, les lecteurs peuvent également consulter des archives relatives au mouvement fédéraliste wallon « Rénovation wallonne » ainsi qu'au « Centre Européen des Travailleurs ».
Tri et éliminations :
Très peu de documents ont été éliminés. Néanmoins, quelques doubles clairement établis ont été supprimés.
Accroissements :
Le fonds inventorié est un fonds ouvert. Un accroissement régulier est prévu dans le cas où de
nouvelles archives seraient versées.
Mode de classement :
Lors du transfert du fonds au centre d’archives et de documentation du CPCP, celui-ci n'avait pas déjà été traité en amont par un archiviste et aucun inventaire sommaire n'avait été remis au moment de la réception des archives.
Une structure de classification relativement simple a été mise en place :
A. Assemblées de travail
B. Structures directoriales
C. Fondements et doctrine
D. Élections
E. Ailes provinciales
F. Communication
G. Dossiers thématiques
H. Organes liés à la DC
Conditions d'accès :
La consultation est libre avec l’accord de l’archiviste.
Conditions de reproduction :
Pour la reproduction des documents d’archives, les règles et tarifs en vigueur au centre d’archives et de documentation du CPCP sont d’application.